Mystique Haridwar

Après 4h30 de train dans lequel il est impossible de résister aux vendeurs ambulants qui, dans les wagons ou par les fenêtres, vendent chai et samossas sans interruption, nous arrivons à Haridwar, la "Porte de Hari", un des avatars de Vishnu.

 

Le caractère sacré de cette petite ville vient du mythe cosmologique hindou du Barattage de la mer de lait : une bataille sanglante opposant les dieux et les démons pour s'emparer du nectar d'immortalité, l'Amrita. Grâce à l'aide de Vishnou, les dieux parviennent à récupérer le breuvage des mains démoniaques mais laissent échapper 4 gouttes qui tomberont sur Allahabad, Nasik, Ujjain et Haridwar.

C'est ainsi qu'à tour de rôle, ces villes accueillent tous les 12 ans le plus grand festival religieux au monde, la Khumbamela. Le reste de l'année, cette ville sainte reçoit des milliers de pèlerins, venus effectuer le pèlerinage jusqu'aux sources du Gange, donnant à la ville une ambiance de sainteté assez particulière.

 

À l'aube puis au crépuscule, des centaines et des centaines d'hindous se rendent sur les ghats (escaliers de pierres longeant les rives du Gange, véritables lieux de vie dans les villes saintes) pour les deux pūja les plus importantes de la journée.

 

La pūja du matin semble être consacrée au bain purificateur au bord du Gange, une des 7 rivières sacrées de l'Inde avec la Yamunâ, la Sarasvati (rivière mythique ayant peut-être existé dans l'antiquité), l'Indus, la Godâvari, la Narmadâ et la Kâverî.

Le Gange, Gangâ en sanskrit, est un élément majeur de la spiritualité hindoue : il lave de ses péchés le croyant qui s'y baigne et la dispersion des cendres du défunt dans ses eaux assure une meilleure renaissance et peut même, si elle se fait à Varanasi par exemple, permettre d'atteindre la tant désirée moksha, la délivrance du cycle des réincarnations auquel nous sommes tous condamnés.

 

L'atmosphère est prenante. L'affluence sur les ghats est impressionnante, à croire qu'aucun habitant d'Haridwar ne se permettrait de rater la cérémonie. Les couleurs de l'aube reflètent à merveille les saris colorés et les tons roses et ocres des temples, construits au bord des ghats, comme sortants triomphalement des eaux sacrées.

 

Je marche le long des ghats, mon regard vagabondant d'une famille à l'autre, me demandant quel pūjari (officiant) pense le plus fort à sa divinité favorite. Je continue ma ballade, transportée par la voix mystique du réciteur de mantras (prières sacrées) qui résonne dans les hauts-parleurs de la ville et me laisse porter au milieu des dévots.

Le cérémonial consiste à plonger le corps dans l'eau et remonter à la surface plusieurs fois de suite afin de purifier son corps et son mental. Les plus courageux font quelques brasses, en prenant garde au courant, plutôt fort à Haridwar. La baignade prend vite des airs de jeux et se transforme souvent en bataille d'eau. Pour les plus jeunes, le bain initiatique ne fait pas l'unanimité, faisant couler des larmes d'incompréhension sur les petites joues refroidies.

 

Les offrandes sont également un passage important : on achète à l'un des nombreux marchands présents sur les rives, des coupelles ou des colliers de fleurs, de l'encens ou même de la nourriture, que l'on offre aux dieux en les déposant dans les eaux saintes. Le rite des offrandes est à la base de la religion hindoue. C'est une manière de remercier les dieux et de s'assurer leur grâce. Tout comme le bain, ces rituels sont un moyen pour le croyant d'entrer en communication avec le monde divin. Aucun hindou ne saurait déroger à la règle de la pūja, confirmant que l'hindouisme est véritablement une orthopraxie. L'acte compte plus que tout.

 

Ainsi la prière matinale s'achève, les ghats se vident mais restent occupés par les saints et les plus pieux qui passeront la journée près des eaux du fleuve sacré. Au crépuscule, tout le petit monde revient pour la pūja du soir, suivie de la cérémonie du feu, appelée Ârti, elle aussi très importante. Au cours de la cérémonie, des plateaux de feu, sur lesquel on a allumé des mèches de camphre, sont tenus par les brahmanes (prêtres hindous). Les fidèles se dirigent vers les différents plateaux, touchent le feu puis portent leur mains à leur front. L'Ârti est un moyen de témoigner de son respect aux dieux et d'obtenir leur bénédiction.

 

Je reprends mes chaussures à la consigne et repars dans la ville qui se réanime peu à peu. La signification des puja s'eclaircit, bien que beaucoup de choses m'échappent encore. L'hindouisme est une religion très libre dans sa pratique. Il est très compliqué pour un étranger de saisir le sens et la logique de tous les rituels et les rassemblements qu'il observe, tout simplement parce que le cérémonial d'une pūja par exemple change d'un officiant à l'autre, semant un peu plus les novices!

 

Prochaine étape pour nous quatre : Rishikesh, capitale mondiale du yoga et lieu privilégié des sadhus, swamis et gurus en tout genre.

 

 

Lou

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