Quel avenir pour les Filles de l'Inde ?

C'était il y a un an. Une jeune étudiante et son compagnon rentraient de leur soirée au cinéma. Ils prennent le bus et le drame commence : six hommes s’en prennent au couple. Le jeune homme est battu et l’étudiante se fait sauvagement violer. Treize jours après, cette dernière décède. Une commémoration était organisée à Delhi la semaine dernière en sa mémoire.

Si ce fait divers est loin d’être une exception en Inde, ce viol sera considéré pour l’opinion publique comme le viol de trop. Effrayée, dégoutée et en colère, chaque indienne s'est idientifié à cette étudiante que l’on surnommera la Fille de l’Inde. 

Cette résurgence du combat pour l'amélioration de la condition de la femme en Inde m'ammène à me demander, loin des clichés et des jugements, ce que c’est d’être une femme indienne aujourd’hui ?

J'ai voyagé durant 5 mois à travers l'Inde du Nord et suis désormais étudiante dans l'Etat d'Orissa, et je dois avouer que mon contact avec les femmes s’est fait rare jusqu’à présent.

Loin des quartiers résidentiels très luxueux de Delhi ou Mumbai (un monde à part), presque aucune des femmes que j'ai vu n'était habillée autrement qu'en sari. Les rues étaient peuplées très largement par les hommes. Dans les trains, les femmes qui gênaient le passage avec leurs enfants étaient violemment renvoyées. Enfin, le comportement de certains hommes à mon égard n'étaient qu'une preuve de plus du tabou qui domine le rapport entre homme et femme en Inde.

Je suis bien consciente que la liberté des femmes indiennes ne passera pas par les mêmes étapes que la liberté des femmes occidentales et il était essentiel pour moi de me mettre dans cette dimension culturelle où la une pudeur et le respect semblent davantage codifiés que dans nos sociétés. Dire que cela est bon ou mauvais n'est pas la question.

Néanmoins, il est clair que les traditions archaïques et les croyances plus ou moins religieuses collent à la peau de cette société où les femmes semblent ne pas avoir de considération individuelle, se définissant d'abord par le fait d'être mère, soeur ou épouse.
Le mariage est effectivement l'élément essentiel dans la vie d'une indienne. Dès lors, toute construction sociale autre que par rapport à la famille et à l'homme n'est pas possible. 

Victimes indirectes des traditions familiales, les femmes indiennes sont aussi directement attaquées et c'est cela qu'il faut combattre aujourd'hui. Je pense aux infanticides de filles au Rajasthan, aux attaques à l'acide des femmes refusant le mariage ou encore à la sati (rare en Inde aujourd'hui car interdit par la loi), le "suicide" des veuves sur le buchet de leur défunt mari.

Pourtant les évolutions sont là. Les femmes accèdent largement à des postes importants dans la société (Indhira Ghandi fut Première Ministre pendant 15 ans et Pratibha Patil fut la première présidente de l'Inde en 2007). La Constitution indienne garantit l'égalité aux femmes (article 14) et condamne la discrimination de genre (article 15-1). De plus, les enregistrements de violences faites aux femmes augmentent chaque année, témoignant d'une prise de conscience et d'une volonté de dénoncer de la part de ces victimes. Plus de 68% des femmes seraient victimes de violences conjugales.

L'Inde est le 4e pays en termes de PIB en parité de pouvoir d'achat mais l'extrême pauvreté reste le quotidien de milliers d'indiens. Les pratiques et les croyances religieuses (plus de 80% de la population est hindoue) sont encore très fortes, freinant d'une certaine manière les évolutions sociales et l'émancipation de la femme. L'accès au savoir reste aussi un luxe pour beaucoup d'indiennes vivant en zones rurales où les femmes produisent 55% à 66% du travail dans les fermes. 

C'est ainsi que le chemin semble long pour les femmes indiennes bien que les récentes évolutions et prises de conscience soient autant de bons présages pour l'avenir de ces femmes mais aussi pour le pays tout entier. Pour cette Inde aux milles visages qui me fascine.

Ces paradoxes sont savamment mis en lumière par la campagne "Abused Goddesses" (Déesses abusées) de l'assiociation Save the Children India : "Demain, il semble qu'aucune femme ne sera épargnée. Pas même celles que nous prions."

Lou 
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